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Indicateurs

Encore plus de biodiversité dans les luzernes aménagées

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Le protocole 2009 et 2010

En collaboration étroite avec les responsables agronomiques des usines de déshydratation et les agriculteurs, 18 sites ont été sélectionnés sur les départements de la Marne, de l’Aube, des Ardennes et de l'Eure. Chaque site comportait trois modalités : une parcelle de luzerne, une parcelle de blé et une parcelle de luzerne dont on laissait toujours une large bande non récoltée donc en fleurs (voir schéma). Sur chaque modalité, des spécialistes ont régulièrement noté et quantifié la présence des oiseaux, des papillons, des orthoptères (criquets, sauterelles,...) et des chauves-souris (à l’aide d’appareils enregistreurs de fréquences). Le protocole abeille consistait en la mesure du poids des colonies, de leur développement et de la quantité de pollen récoltée. 12 observateurs ont consacré, au total, un millier d’heures à relever, compter, observer alouette des champs, argus bleu, belles dames...

Un travail multidisciplinaire, une gouvernance réussie

L’initiative a tout de suite recueilli l’enthousiasme des parties prenantes qui ont vu dans cette expérimentation une occasion d’acquérir de nouvelles références dans leur spécialité mais aussi et surtout de participer à un projet structurant et cohérent. Ainsi, la Ligue de Protection des Oiseaux, le Réseau Biodiversité pour les Abeilles, l’Association Nature du Nogentais, Luc Manil, coordinateur du programme national du suivi des papillons de France (Muséum National d’Histoire Naturelle), le CPIE Pays de Soulaine ont assuré les notations et l’analyse des indicateurs. Le Muséum National d’Histoire Naturelle et Arvalis Institut du Végétal ont validé les résultats sur le plan cientifique. Le Conseil Régional, FranceAgriMer, la DREAL Grand-Est, le DAR et Coopération Agricole Luzerne de France ont financé cette opération.

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Interview de Luc Manil

Consultant entomologiste - Chargé de missions scientifiques au Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN) - Président de l'Association des Lépidoptéristes de France (ALF)

Pourquoi les papillons sont-ils importants pour la nature ?
Les papillons sont importants pour la pollinisation de nombreuses fleurs. Sans ces pollinisateurs, de nombreuses plantes seraient incapables de se reproduire. Leur aspect esthétique, leur popularité et leur grande diversité font partie de notre patrimoine naturel. La conservation des papillons nécessite avant tout la protection de leurs habitats. Les papillons sont d'excellents bioindicateurs de la qualité générale de l'environnement et les variations de leurs populations permettent de suivre les changements climatiques, mais aussi les modifications de l'état local de la biodiversité, en milieu naturel ou remanié, y compris en milieux agricoles.
Quelle importance revêt à vos yeux la luzerne dans le maintien de la biodiversité régionale ?
La luzerne est une plante nourricière des chenilles de quelques espèces de papillons, dont l'Argus commun (Polyommatus icarus) et le Souci (Colias croceus), mais son rôle bénéfique est plus large. Les nombreux papillons et divers insectes comme les abeilles et les syrphes qui butinent sur ses fleurs y trouvent un aliment de choix (le nectar), qui favorise leur bonne santé et leur reproduction, même si la chenille vit sur d'autres plantes alentour. De plus, la concentration de papillons sur les champs de luzerne favorise aussi la rencontre des mâles et des femelles et la reproduction de ces espèces. Un autre avantage de la luzerne vient du fait que sa culture nécessite très peu de produits phytosanitaires nuisibles à l'environnement.
Quels enseignements tirez-vous de cette expérimentation ?
La conservation de la nature ne concerne pas seulement la préservation des espaces sauvages comme les réserves naturelles, les parcs ou les espaces naturels sensibles. Elle doit aussi prendre sa place dans l'orientation des pratiques culturales et la luzerne correctement gérée est certainement bénéfique à cette démarche. Le programme "luzerne gérée" est un bon exemple de la synthèse possible entre les préoccupations des naturalistes et celles des professionnels de l'agriculture.

www.lepido-france.fr - www2.mnhn.fr/vigie-nature

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Interview de Philippe Lecompte

Président du Réseau Biodiversité pour les Abeilles

Pourquoi le Réseau Biodiversitépour les abeilles s’est-il associéà cette expérimentation luzerne ?
La participation du RBA est liée à plusieurs éléments :
• la proximité géographique de son président qui produit du miel de luzerne et son implication dans les thématiques apicoles locales
• la luzerne en fleurs et en bandes constitue un réseau écologique en peau de panthère d'échelle régionale c'est un élément de continuité, un corridor écologique par nature
• la recherche et le développement de nouvelles sources de compensation écologiques au profit des pollinisateurs. La luzerne en fleurs a le même effet que la jachère apicole.
En quoi les abeilles sont-elles un indicateur synthétique de la biodiversité ?
L'abeille est un insecte qui explore à la fois un immense territoire de 3 à 8 km selon les ressources disponibles, la météo etc...soit de 2 800 à 20 000 ha, et dans ce territoire, aussi bien des masses florales cultivées comme les colzas, que des micro territoires porteurs de ressources constituées de flores spontanées et sauvages à l'intérieur de l'espace agricole ou à l'extérieur de celui-ci. L'abeille domestique a aussi cette particularité de n'exploiter qu'une seule ressource à la fois. Son pollen est donc spécifique jusqu'à ce qu'il soit rapporté à la ruche.
Quelle est selon vous la contribution de la luzerne à l’atteinte des objectifs de votre projet Symbiose ?
Dans l'opération Symbiose (400 km2) où l'objectif est d'enrichir le milieu en biodiversité ordinaire et fonctionnelle, la luzerne qui couvre 8 à 9 % de la surface agricole constitue par nature un candidat intéressant pour assumer jusqu'au terme de la floraison ses capacités de production d'habitat et de ressources indispensables à de nombreuses chaines alimentaires. Indirectement également en étant au coeur de l'économie apicole, la luzerne permet de maintenir une activité apicole qui est la garantie du service de la pollinisation par les abeilles domestiques.

www.jacheres-apicoles.fr

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Interview de Johanna Villenave-Chasset

Grâce à ses fleurs,la luzerne permet aux insectes auxiliaires de se reproduire et d'avoir des larves qui elles, seront prédateurs de pucerons ou autres insectes nuisibles. Placés à côtes d'autres cultures, de céréales par exemple, une parcelle de luzerne sert de réservoir et joue un vrai rôle protecteur vis-à-vis des autres parcelles.

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Interview de Philippe Lecompte

En Champagne en particulier toute l'activité apicole repose sur la luzerne. S'il n' y avait pas de luzerne avec ses fleurs en Champagne, il n'y aurait pas d'apiculture et donc pas de miel et surtout c'est l'arrêt de la pollinisation. Hors les abeilles sont indispensables pour polléniser les autres cultures, et notamment le colza. La disparition de la luzerne mettrait l'économie apicole complétement a plat, donc le service de la pollinisation

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Interview de Julien Chagué

Julien Chagué est responsable technique du Réseau Biodiversité pour les Abeilles qui regroupe apiculteurs et agriculteurs qui militent pour favoriser la biodiversité par une agriculture soucieuse du développement durable. Pour les abeilles, pas de doute: en juillet et Août, la luzerne est leur principale ressource , elle produit énormément de nectar et elle est une des seules en fleur. Abeilles, mais aussi de très nombreuses espèces de papillons en profitent. Avoir plusieurs centaines de millions d'Ha de luzerne en France serait un vrai oasis pour tous les pollinisateurs.